France : sa stratégie face à l’IA

L’intelligence artificielle ne date pas d’aujourd’hui. Il y a 84 ans de cela, l’idée de machine intelligente générait de la peur, aujourd’hui l’IA est considérée comme le moteur de la 4e révolution industrielle. Cependant, l’IA présente des défis éthiques, politiques et géostratégiques, nécessitant alors une régulation et une vision stratégique à long terme.

En 2018, lors de la journée “AI for Humanity”, Emmanuel Macron a annoncé une stratégie ambitieuse pour faire de la France le leader européen et mondial de l’intelligence artificielle. Il a alors annoncé le lancement du Plan France 2030 en octobre 2021 afin de positionner la France en tant que pionnière de l’innovation d’ici 2030.

Les prémices à la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle

En 2017, Cédric Villani, le député chargé de réaliser une stratégie nationale et européenne pour l’intelligence artificielle, a rédigé un rapport servant de base à cette stratégie. Il y expose toutes les différentes facettes de l’IA, qu’elles soient politiques, économiques, éthiques, sur l’emploi, la recherche ou encore la cohésion sociale. Pour façonner cette stratégie, Cédric Villani a donc défini les actions et objectifs à réaliser pour chacune de ces facettes.

Une politique économique organisée autour de la data

Il est plus que nécessaire que la France et l’Europe développent une stratégie d’intelligence artificielle face aux différents modèles adoptés par les deux géants actuels de l’IA (Etats-Unis et Chine) et ceux adoptés par les pays émergents dans l’IA (Israël, Canada, Royaume-Uni). Il est proposé un plus grand accès et une meilleure circulation de la donnée qui sont aujourd’hui dominées par un petit nombre d’entreprises. Le but serait d’avoir un partage de la donnée. Il est aussi préconisé d’accroître la visibilité des acteurs français de l’IA au niveau national et international grâce notamment à la création de labels et de prix de l’innovation. L’Etat est appelé à être moteur de ces modifications pour l’IA grâce aux politiques publiques, il doit donc se transformer. 

Une recherche agile

La France possède un certain leadership mondial d’un point de vue de la recherche en mathématiques et en IA. Cependant, elle a quelques difficultés à appliquer ces recherches à son secteur industriel et économique. De plus, elle doit faire face à la “fuite des cerveaux” vers les grandes entreprises américaines. L’idée est donc de créer des Instituts Interdisciplinaires d’Intelligence Artificielle (3IA) afin de rassembler ingénieurs, chercheurs et étudiants. Ces instituts seraient des zones franches de l’IA dans le but d’attirer des scientifiques français et étrangers. 

Les impacts sur l’emploi

Le pays doit s’attendre à des transformations dans le monde du travail dues à l’IA. Il est proposé de réfléchir sur la complémentarité humain-IA au lieu de voir l’IA comme une menace. Il faudrait créer un Lab Public de Transformation du Travail afin d’anticiper les évolutions du travail, expérimenter de nouveaux modes de financement de la formation et former des talents en IA. Le but est de multiplier par 3 le nombre de personnes formées en IA d’ici 2021.

Une économie écologique

D’ici 2040, les besoins mondiaux d’espaces de stockage pour l’IA dépasseraient la production mondiale de silicium. De ce fait, la France et l’Europe pourraient être leaders dans une transition écologique vis-à-vis de l’IA, en lien avec les ODD de l’ONU. Il serait intéressant d’innover dans le semi-conducteur afin de réaliser des économies d’énergie. 

Une économie écologique

D’ici 2040, les besoins mondiaux d’espaces de stockage pour l’IA dépasseraient la production mondiale de silicium. De ce fait, la France et l’Europe pourraient être leaders dans une transition écologique vis-à-vis de l’IA, en lien avec les ODD de l’ONU. Il serait intéressant d’innover dans le semi-conducteur afin de réaliser des économies d’énergie. 

L’IA et l’éthique

Il existe de nombreuses préoccupations éthiques autour de l’IA, une technologie considérée opaque avec des algorithmes complexes et créant ainsi des “boîtes noires”. Le but est donc de rendre les algorithmes plus explicables afin de mieux comprendre les résultats. Des études d’impact sur les risques de discriminations seront menées ainsi que des débats sur la responsabilité humaine. Enfin, il est recommandé de créer un comité d’éthique de l’IA afin d’organiser des débats publics délimités par la loi pour guider les choix technologiques et éthiques.

Une IA inclusive

Le but est de rendre les opportunités offertes par l’IA, accessibles à tous. Le secteur du numérique devrait être diversifié et assurer une parité hommes-femmes. Les pouvoirs publics devraient aussi lancer différents programmes pour soutenir l’innovation en IA dans le secteur social. 

 

Cinq domaines ont donc été mis en lumière dans la rédaction de ce rapport : l’éducation, la santé, l’agriculture, les transports, la défense et la sécurité. Ces secteurs sont particulièrement visés par ces transformations dues à l’IA.

La stratégie nationale pour l’IA

A la suite de la rédaction du rapport de Cédric Villani, la stratégie nationale pour l’IA a vu le jour en 2018. La stratégie nationale pour l’IA se divise en deux phases. La première phase avait pour vocation de structurer la R&D sur le territoire national et se déroulait de 2018 à 2022. Le but est de renforcer les capacités de recherche (programme national de recherche sur l’IA). En 2021, 81 laboratoires d’IA ont été créés, la France en possède le plus grand nombre parmi ses voisins européens. 502 startups se sont spécialisées en IA, ce qui représente une hausse de 11% par rapport à 2020. 13 459 personnes travaillent dans ces startups d’IA. 

La deuxième phase (2022-2025) a pour but de diffuser l’IA dans l’économie française via la formation et l’attraction des meilleurs talents en IA, tout en soutenant le développement et l’innovation de certains domaines d’IA. Les domaines prioritaires sont l’IA intégrée au cœur d’appareils ou de composants (l’IA embarquée), l’IA de confiance qui répond aux normes de transparence et de confidentialité, l’IA au service de la transition écologique et l’IA générative ainsi que les modèles géants de langage. Lors de cette deuxième phase, il est prévu d’allouer un montant de 2,22 milliards d’euros à l’IA pour les 5 ans à venir (1,5 milliard d’euros de financements publics et 506 millions d’euros de cofinancements privés). 700 millions d’euros sont consacrés à la formation. Cette partie de la stratégie nationale pour l’IA représente la stratégie d’accélération IA. Cette somme servira pour deux composants. Le premier est pour la formation de futurs experts et spécialistes du développement de systèmes d’IA. Il est prévu de former 3700 étudiants à l’IA, en finançant 2000 étudiants en premier cycle, 1500 étudiants de master et 200 thèses par an. Le deuxième est pour la formation initiale et continue de personnes disposant d’une double compétence en IA et autre domaine (médecine, droit, agroalimentaire…), qui utiliseront l’IA dans leur futur métier. Les objectifs de cette seconde phase sont l’accompagnement par le gouvernement de 500 PME et ETI, dans l’adoption et l’utilisation de solutions d’IA d’ici 2025. D’ici 2025, la France vise aussi à acquérir 15% des parts de marché mondial de l’IA embarquée, dans la logique de devenir le leader mondial dans le domaine. 

 

Cette stratégie nationale pour l’IA est pilotée par le programme national de recherche sur l’IA et par France 2030. 

 

En 2020, 7 milliards d’euros de résultats économiques grâce à l’IA étaient attendus, contre 90 milliards d’euros en 2025.

France 2030

Le Plan France 2030 bénéficie de 54 milliards d’euros sur 5 ans pour développer la compétitivité industrielle et des technologies d’avenir. La première moitié est destinée à des acteurs émergents et l’autre moitié est réservée aux actions de décarbonisation. Ce plan d’investissement suit 10 objectifs pour 2030, répartis en trois catégories : mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre le monde. 

Pour la première catégorie, le but est de devenir le leader de l’hydrogène vert et des énergies renouvelables en 2030, de décarboniser l’industrie française afin de diminuer de 35% les émissions de gaz à effet de serre en France. 2 millions de véhicules électriques et hybrides devront être produits d’ici 2030, ainsi que le premier avion bas-carbone. 

Pour la deuxième catégorie, le but est d’accélérer la révolution agricole et alimentaire en investissant dans une alimentation saine, durable et traçable. La France s’engage à produire au minimum 20 biomédicaments (cancer, maladies chroniques). Aussi, la France vise à devenir un leader en termes de production de contenus culturels, créatifs et de technologies immersives. 

Pour la troisième catégorie, l’objectif de la France est de prendre pleinement part dans le secteur spatial et d’investir dans les grands fonds marins. 

En 2023, 21 milliards d’euros sur les 54 milliards étaient déjà utilisés, 40 000 emplois directs ont été créés ou maintenus et 34 000 nouvelles formations reconnues aux métiers d’avenir ont été ouvertes. Enfin, 8,2 millions de tonnes de CO2 par an ont été économisées.

Le Programme national de recherche sur l’IA

Les objectifs du programme sont d’assurer une place à la France dans le top 5 mondial de l’IA de manière durable, et de faire de la France un leader européen de la recherche en IA. Lors du lancement du programme, 45% du budget de la stratégie nationale de l’IA devait être alloué au programme de recherche sur l’IA, soit 675 millions pour 5 ans. Lors de la première phase de la stratégie nationale pour l’IA (2018-2022), plusieurs actions ont été menées. Un réseau de 4 3IA a été créé, ainsi que 190 chaires de recherche et d’enseignement dont 43 chaires qui étaient hors des 3IA. Il devait y avoir 500 nouveaux doctorats en IA par an, soit 2 500 au total. Donc 22 programmes doctoraux ont été créés pour cela. Des appels à projets devaient être lancés pour la coopération internationale, et des partenariats de recherche devaient être réalisés (Labcom, Carnot, IRT). Enfin, il était prévu que plus de 100 millions d’euros ont été financés par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) pour les programmes d’IA. Un supercalculateur Jean Zay a été installé et a déjà permis la réalisation de plus de 1200 projets. Un collectif français a été créé pour répondre au grand défi de l’IA concernant la confiance des systèmes critiques, le but est d’intégrer une IA de confiance pour les industriels. 

Les différents programmes

Deux programmes ont été créés, l’AI Cluster et l’AI Booster France 2030, pour soutenir l’intelligence artificielle. L’AI Cluster a pour objectif de positionner 5 à 10 universités ou écoles comme leaders mondiaux de l’IA. Ces universités reçoivent un financement important pour maintenir ce positionnement. Ceci permet d’attirer les meilleurs talents d’IA et de promouvoir l’adoption de l’IA en France. 

Le programme AI Booster France 2030 a été créé dans le cadre de la stratégie d’accélération du Plan France 2030. Il a pour but d’accompagner les PME et ETI françaises dans leur transformation numérique via des solutions d’IA. Cette transformation permettrait d’améliorer leur compétitivité, moderniser leurs appareils de production et leur structure, et enrichir leur offre. Ce programme est opéré par BPIFrance et est en collaboration avec des dispositifs territoriaux. Toutes les entreprises respectant un effectif compris entre 10 et 2000 collaborateurs et réalisant plus de 250 000 euros de chiffre d’affaires peuvent bénéficier de ce programme de manière prioritaire. Ces entreprises peuvent alors bénéficier d’une prise en charge de leurs coûts pouvant aller jusqu’à 80%.

Le programme AI Booster France 2030 se divise en 4 phases qui sont : 

  • Sensibilisation et assimilation culturelle des solutions d’IA : accès à des outils d’autodiagnostic, des formations en ligne, des webinaires gratuits
  • Un diagnostic Data d’IA : identification des usages prioritaires dans lesquels la donnée exploitée par l’IA crée de la valeur
  • Une aide au choix de solution d’IA : proposition de solutions d’IA répondant aux besoins de l’entreprise et élaboration d’un plan de mise en œuvre de la solution
  • Une expérimentation de la solution d’IA choisie : accompagnement des entreprises de le déploiement opérationnel de leur solution d’IA

 

La nécessité d’une révision de l’IA Act

Selon Emmanuel Macron, l’IA Act pourrait freiner l’innovation donc l’ambition de sa stratégie nationale pour l’IA. Il fait donc la demande d’une révision régulière de cette réglementation. 

 

« Je demande donc à ce qu’on évalue, de manière régulière, cette réglementation. Si l’on perd des leaders ou des pionniers à cause de cela, il faudra revenir [dessus]. C’est clé. » 

 

Déclare Emmanuel Macron

 

Son secrétaire d’Etat, Jean-Noël Barrot est de son avis : 

« Il faut éviter d’écraser les innovateurs européens sous une réglementation qui soit trop lourde.»

L’accord européen est pour le moment provisoire et sera soumis à plusieurs réécritures. 

Conclusion

Le but est de donner un sens au développement de l’intelligence artificielle. Une véritable course mondiale à l’IA a été lancée. Dans la même lignée que l’IA Act avec l’Union Européenne, la France souhaite définir, développer, réguler et utiliser au mieux l’IA afin de favoriser l’innovation sur le territoire national et de lui faire retrouver toute sa grandeur. Cette stratégie ambitieuse pourrait permettre à la France de concurrencer les grands de ce monde numérique qui ne sont autres que les Etats-Unis et la Chine, et montrer l’exemple en matière d’IA. Cependant, il s’avère que l’IA Act pourrait freiner l’innovation. Suite aux réécritures et aux nombreuses discussions, quelle décision sera prise ? La France, pourra-t-elle aller au bout de sa stratégie ?

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